Non, la Communication NonViolente (CNV) ce n’est pas OSBD. Non, la CNV ce n’est pas exprimer son observation, ses sentiments et besoins et faire des demandes. Non, la musique ce n’est pas le clavier du piano. Il s’agit de convertir nos relations, de développer des relations respectueuses de chaque humain et de reconnaître humblement quand nous ne prenons pas suffisamment soin d’un humain, soi ou l’autre ou un autre. La CNV ce n’est pas pratiquer une empathie automatique, comme sait le faire l’intelligence artificielle, mais accepter de prendre le temps d’écouter les corps, les cœurs et les âmes. La CNV ce n’est pas un outil de plus de développement personnel c’est une conversion qui change la vie, qui nous interpelle, qui nous bouscule et nous déplace et ce n’est pas que confortable. C’est un engagement personnel à changer nos relations et à changer le monde. Parler trop vite de CNV c’est comme parler trop vite de la musique, sans en percevoir les rythmes, les silences, les harmonies, le chant des âmes.
Oui il s’agit d’observer. Pas seulement parler des faits qui renforcent mes croyances et prouvent que j’ai raison de vivre ce que je vis. C’est aussi laisser à chacun la responsabilité de ce qu’il voit et entend, pense et interprète, pour permettre à chacun d’exister et pour démasquer les malentendus. C’est cultiver la curiosité de regarder le monde autrement. C’est aussi élargir mon regard et ma perception du monde, accepter de regarder les faits qui bousculent mes croyances et mes habitudes, accepter d’entendre ce qu’autrui observe, C’est aussi prendre le temps de regarder, d’écouter jusqu’au bout ce qu’essaye de dire les vivants.
Oui il s’agit de ressentir. Pas seulement de penser aux ressentis. Il s’agit de mettre au cœur de nos relations la tendresse pour nos corps et pour nos émotions. Rire de tous nos rires et pleurer de toutes nos larmes, même au travail, même en famille. Il s’agit d’accepter l’inconfort d’ouvrir la porte de nos cœurs, d’oser la force de la vulnérabilité, de ne plus craindre si les larmes, ni la peur, ni la joie. Il s’agit d’être présent à ce qui est en soi et en l’autre, à cet instant, sans rien vouloir changer que d’être là. Et que de malentendus sur ce sujet car il s’agit d’accueillir les émotions et leurs expressions en laissant à chacun la responsabilité de ce qu’il vit. Accueillir ce qui est sans chercher ni à justifier, ni à faire porter à quiconque la causalité de ce qui se vit.
Oui il s’agit d’écouter et d’exprimer les besoins mais pas seulement les nôtres mais aussi ceux de l’autre. Et là que de malentendus ! Il s’agit d’écouter la Vie qui cherche à se déployer en chacun, cette source qui nous est commune et qui s’appelle la Vie. Il ne s’agit ni de projets sur quiconque, ni d’attentes sur quiconque, ni de rien de concret en cet instant. Il s’agit d’écouter ce que chacun cherche à Vivre en cet instant. Il s’agit de prendre le temps d’écouter la Vie qui cherche à se dire, sans chercher à résoudre quoi que ce soit, même quand nous croyons qu’il est l’heure de faire quelque chose et qu’il est temps de passer à autre chose. Il s’agit d’oser écouter une aspiration profonde, un élan qui peut-être va nous demander de changer de trajectoire, radicalement. Il s’agit d’écouter à partir d’un espace de non savoir, d’un espace de respect infini pour le sacré de chaque être humain. Il s’agit de se laisser surprendre par la créativité immense qui émerge quand nous prenons le temps d’écouter ce qui se jouait vraiment dans cet instant unique. Il s’agit de faire confiance en la Vie à nouveau et maintenant.
Oui il s’agit de demander mais aussi d’accueillir avec ouverture de cœur la réponse de l’autre, mais aussi d’accompagner et d’accueillir la demande d’autrui. Il ne s’agit pas d’avoir fait tout ce chemin pour convaincre autrui de notre demande initiale. Il s’agit de cheminer pour explorer comment nous pourrions, à partir de maintenant, mieux nous entendre, mieux nous accueillir et co-créer un monde qui permette à chaque être humain d’être davantage vivant. Il ne s’agit d’avoir aucun projet sur l’autre, aucune emprise sur quiconque mais d’explorer comment nous pourrions nous embellir la vie l’un l’autre, dans le respect infini de nos aspirations profondes et de nos ressources. Il s’agit de permettre à chaque humain d’être davantage vivant, de mieux cohabiter sur cette planète que nous avons en commun, à partir de maintenant, petits pas par petits pas.
Et il ne s’agit pas d’expliquer à autrui comment faire mais de vivre soi-même ce chemin de transformation et de conversion. Il s’agit de choisir la Vie, dans tous mes lieux d’engagement, en famille, au travail, dans mon quartier et dans la cité, dans le monde. L’heureuse nouvelle c’est que nous avons toute notre vie pour apprendre à vivre cela et que cela s’apprend, en essayant à nouveau, en célébrant les victoires, en tombant aussi, en se relevant et en essayant à nouveau.
La Communication NonViolente c’est un chemin vers soi et vers l’autre, vers les autres et vers tous les autres. C’est un chemin qui change le monde un pas à la fois. C’est faire un petit pas vers le chant que nous voulons entendre dans le monde.
Françoise Keller, 19 juin 2023